Par René MIFSUD/expert immobilier/viager immobilier et Jean Pierre DARRIEUTORT -Président (h) du Tribunal administratif ( consultant droit fiscal -droit public).
Les règles procédurales de la médiation dans les litiges relevant de la compétence du juge administratif, relèvent d’un régime législatif fixé par les articles L. 213-1 et suivants du code de justice administrative, issus de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du xxi ème siècle.
En parallèle, et antérieurement d’ailleurs, le décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016, portant modification du CJA a, par son article 23, remplacé la seconde phrase de l’article R. 621-1 par les dispositions suivantes : « L’expert peut se voir confier une mission de médiation. Il peut également prendre l’initiative, avec l’accord des parties, d’une telle médiation. »
L’objectif de la loi est de favoriser le recours aux modes alternatifs de règlement des litiges (MARL) : procédure participative, médiation, conciliation,
Le but recherché par cette loi qui instaure la procédure de médiation devant le juge administratif – le décret d’application n° 2017-566 du 18 avril 2017 relatif à la médiation dans les litiges relevant de la compétence du juge administratif peut être consulté dans la rubrique « Droit et Expertise » , étant de désengorger les tribunaux encombrés en ayant recours autant que faire se peut à la médiation-conciliation et ainsi réduire les coûts de procédure pour le justiciable et pour la justice.
Le législateur dans ce texte, fixe les dispositions générales qui encadrent la procédure de médiation quel qu’en soit l’initiateur. Il a mis en avant le nouveau rôle des experts qui grâce à leurs compétences seront actifs au côté des parties pour trouver des solutions aux conflits dans le respect des règles déontologiques. Il admet que l’expertise est de plus en plus perçue comme un mode alternatif de règlements des différends (MARD). A ce titre, l’expert dans sa grande sagesse se voit donc attribuer un rôle de facilitateur dans la recherche d’une solution négociée avec les avocats des parties, mais sous le contrôle du juge chargé du dossier.
Cette procédure alternative nouvelle de résolution des conflits qui consiste à ce que les parties et le juge puissent s’accorder sur une médiation, voire que l’expert lui-même puisse en prendre l’initiative si les parties le souhaitent, soulève de nombreuses questions :
Si sur le principe l’idée est séduisante, la réalité en est tout autre. En effet comme le souligne Maître Jean Marc Le Gars (Avocat à Nice) dans son article « un Janus aux pieds d’argile » : il y a contradiction issue des articles 23 du décret n°2016-1480 du 02 novembre 2016 issu de la loi de modernisation de la justice du XXIème siècle du 18 novembre 2016 du CJA, et de l’article 240 du CPC qui dispose que le juge ne peux donner au technicien mission de concilier les parties.
Désormais en matière administrative par l’effet de la loi, les parties et le juge peuvent avoir l’initiative d’une médiation, et par l’effet d’un texte réglementaire, l’expert de justice peut lui aussi, avoir l’initiative d’une médiation.
Le législateur n’a pas jugé bon de revenir sur l’article 240 du CPC qui reste donc applicable .
Ces deux articles tirent en sens contraire.
Le principe de la médiation est qu’elle doit se dérouler dans une totale confidentialité :
En effet comment d’un côté, demander à l’expert d’être totalement transparent et de respecter le débat contradictoire dans sa mission d’expertise, et de l’autre, faire preuve d‘une totale confidentialité dans la phase de médiation. En pratique cette dualité d’exercice relève de la quadrature du cercle pour l’expert désigné.
Les avis des professionnels du droit des deux ordres de juridictions judiciaires et administratifs divergent sur la façon d’appliquer cette méthode de médiation, qui rappelons le, ne dessaisit pas le juge qui peut prendre à tout moment les mesures d’instructions qui lui paraissent nécessaires.
Certains préconisent qu’un expert-médiateur succède à l’expert technique désigné initialement. D’autres sont plutôt favorables à la levée de la confidentialité dans les débats d’expertise et conserver ainsi qu’un seul expert qui serait à la fois le technicien et le médiateur du début à la fin des débats.
Un grand nombre enfin, reste dubitatif quant à l’application réelle de cette méthode sans mode d’emploi confiée aux experts -médiateurs.
Pour conclure :
La question sera pour le juge et les parties de savoir comment garantir l’impartialité de l’expert si ce même expert est chargé à la fois d’une mission d’expertise, et d’une mission de médiation. Cette double mission relève d’une gageure, d’autant plus que les deux fonctions sont totalement opposées.
La logique si il y en a une, serait peut-être de confier cette mission de médiation a un expert-médiateur qui ne serait pas l’expert chargé de l’expertise, mais qui viendrait en relais de celui-ci. Mais cela va-t-il dans le sens des économies de frais de justice souhaitée par le législateur ?
Rappelons que la loi de modernisation de la justice du XXI siècle ajoute au CJA l’article L 213-5 qui dispose « les parties peuvent en dehors de toute procédure juridictionnelle, organiser une mission de médiation et désigner la ou les personnes qui en sont chargées. «
L’expert a donc toute sa place dans la médiation à condition qu’il allie compétence juridique et compétence technique … à lui de la saisir.