Article écrit le 30 juin 2017 par : René MIFSUD
Expert en évaluation immobilière/viager immobilier /Spécialiste du Golfe de Saint-Tropez
Membre du Conseil d’administration de la Compagnie des Experts CETAN EUROPE
Analyse d’un expert immobilier spécialiste du golfe de Saint-Tropez
Saint-Tropez : son petit port coloré, sa lumière magique qui a inspiré tant de peintres, ses artistes, ses écrivains, ses villas de luxe, ses yachts de milliardaires, voilà l’image d’Epinal qui a fait le tour de la planète et qui continue d’attirer des milliers de touristes chaque été.
La naissance d’un mythe :
Le Club 55
Saint-Tropez ce petit village de pêcheurs a gagné ses lettres de noblesse dans les années 55-60, lorsque Roger Vadim tourna le film « Et dieu créa la femme » incarné par Brigitte Bardot qui devint le sex-symbol emblème de l’émancipation des femmes.
Ce film culte propulsa la cité tropézienne sur le devant de la scène, et le monde entier découvrit ce village jusque-là inconnu, où Brigitte Bardot et sa famille venait déjà en vacances dans leur maison près de la Place des Lices dans les années 50.
Lorsque l’équipe du film débarqua à Saint-Tropez, elle choisit le Club 55 sur la plage de Pampelonne pour déjeuner les jours de tournage. Le Club 55 fût rapidement l’endroit branché où il fallait être vu. Aujourd’hui encore ce lieu est une légende.
Puis vint la saga des films « le gendarme de Saint-Tropez » avec Louis de Funès de 1964 à 1982 qui ne fit qu’amplifier ce mythe.
Les années 80 : ruée vers l’immobilier
Vue aérienne du village de Saint-Tropez
Un lieu magique, mythique, béni des Dieux qui faisait rêver. Les années 80 ont ainsi vu déferler les stars du show-biz, du monde des affaires, les grands industriels, qui n’avaient d’yeux que pour Saint-Tropez.
C’est pendant ces années que la spéculation immobilière a connu ses heures de gloire. A cette époque, une poignée d’agences contrôlaient ce nouveau marché dont les plus connues étaient l’agence Tardieu, Transacmer , et l’agence des Parcs. Puis sont venus s’installer des réseaux comme John Taylor d’abord, puis plus tard Mickaël Zingraf qui ont ciblé prioritairement la clientèle internationale déjà présente sur Monaco, Saint-Jean- Cap- Ferrat et Cannes.
Pendant ces années euphoriques, les Tropéziens de souche profitant de l’aubaine ont vendu massivement leurs biens aux plus offrants en particulier entre 1985 et 2000.
Cette période a vu le prix de l’immobilier résidentiel et du foncier flamber, surtout dans le secteur des plages (les Canoubiers , la Moutte, les Salins, le Capon,le Pinet ) qui était très recherché des investisseurs marchands de biens et promoteurs.
Cette augmentation vertigineuse des prix donc des loyers, a eu pour conséquence une fuite de la population autochtone de 30% dans la cité du Bailli de Suffren, car se loger devenait impossible pour les locaux actifs.
Les étés de cette longue décennie ont été chauds, très chauds, où faire des affaires rimait avec faire la fête dans les endroits branchés de la ville comme, le Byblos et tard dans la nuit dans les célèbres boites de nuit comme les Caves du Roy ou le VIP Room. Tout ce petit monde se retrouvait le matin au petit déjeuner en terrasse chez Sénéquier sur le port, au Gorille ou au Café des Arts, puis allait déjeuner au Club 55. Ces lieux de rencontre devinrent et sont toujours des adresses de légende.
L’immobilier était en folie, les transactions se traitaient tard dans la nuit ou à la plage autour d’un magnum de champagne en toute discrétion à l’abri des regards, plutôt que dans les bureaux des agences immobilières désertées. Une ambiance festive propice à tous les excès.
Un marché déboussolé :
Le port de Saint-Tropez
Durant cette période faste les prix ont grimpé de plus de 200%, du jamais vu. Tout le monde faisait de l’immobilier, promoteurs, marchands de biens, intermédiaires improvisés (gardiens d’immeubles, jardiniers, indicateurs de tout poil, etc.) chacun voulait sa part du gâteau au grand dam des vrais professionnels dont je faisais partie, qui voyaient leur marché attaqué de toute part.
Saint-Tropez était devenu « la marque de luxe », où il fallait avoir une adresse sur sa carte de visite peu importe le prix.
«A titre anecdotique, je me souviens de cet acheteur parisien qui me chargea de lui trouver un bien sur Saint-Tropez, fiche cadastrale à l’appui ! Car il venait d’annuler l’achat d’une propriété située sur la Commune de Gassin à quelques dizaines de mètres près de la Commune de Saint-Tropez, détail que le vendeur lui avait caché ! » .
Cet acquéreur reflétait à lui seul la mode de l’époque, où il fallait avoir « une adresse à Saint-Tropez » pour épater les amis.
Mais l’arrivée de la monnaie unique européenne en 2000 a refroidi le marché et entraina une baisse significative des prix de l’ordre de 30% environ durant les 3-4 années qui ont suivi. Fini la frénésie des années folles.
Conséquence, la clientèle italienne habituée à dépenser du cash sans compter et à faire la fête, a fui la presqu’ile lorsque le gouvernement Berlusconi a fait la chasse aux fraudeurs fiscaux. Puis au cours des années 2004 à 2008, les Russes en particulier, sont arrivés nombreux et ont commencé à tirer les prix vers le haut en n’hésitant pas à faire de la surenchère parfois même sans visiter le bien qu’ils achetaient !
Mais l’année 2009 a vu l’éclatement de cette bulle, qui a sifflé la fin de la partie avec la chute du rouble et le contrôle des flux financiers entre l’Europe et la Russie. Résultat, la clientèle russe quitta la presqu’île et les prix dans l’ensemble ont chuté de plus de 35% jusqu’en 2015.
Depuis cette date, la baisse de l’euro de 30% par rapport au dollar, la baisse des taux d’intérêts, la suppression des prélèvements sociaux (15,5%) sur les plus-values réalisées par les ressortissants étrangers contribue à débloquer un marché atone. De quoi redonner des couleurs au marché et un peu le sourire aux professionnels.
Le secteur de l’immobilier résidentiel repart doucement comme j’ai pu le constater, sur des prix plus mesurés avec l’arrivée notable d’une clientèle d’Europe du Nord plus posée (Scandinaves, Hollandais, Allemands, Britanniques) et de Suisses. Une clientèle moins festive qui dîne tôt, se couche tôt et qui sait compter !!
Mais l’offre dans l’ensemble est abondante et les acheteurs nordiques sont beaucoup plus difficiles. C’est une clientèle qui prend son temps, qui n’hésite pas à négocier ferme ,10%, 20%, voire plus en dessous du prix affiché !! Un changement radical de mentalité qui donne du fil à retordre aux agences peu habituées.
Seuls les biens d’exception sont peu négociables. Principalement ceux situés dans le quartier de la Ponche, le centre historique, et à un degré moindre les Parcs de Saint-Tropez.
Pour celui qui cherche du logement plus classique, la pression diminue au fur et à mesure que l’on s’éloigne du centre pour rejoindre la périphérie urbaine côté entrée de Saint-Tropez, où l’on peut trouver du prix au m2 compris entre 6000 et 7000 euros.
Le clocher-le village
Une adresse mais plus à tout prix :
Saint-Tropez reste Saint-Tropez avec un marché très sectorisé très spécifique où le jeu de l’offre et la demande est la règle. Difficile de fixer un prix, on se situe plutôt sur un « prix proposé » où la négociation est de mise, pas facile pour celui qui ne connait pas les habitudes locales de s’y retrouver. Les panneaux d’affichage « à vendre » sont invisibles !
Mais en dépit de la crise qui est palpable, le marché haut de gamme reste actif mais sur des prix plus réalistes !
Les secteurs les plus recherchés :
Le vieux village : dans ses ruelles étroites, les vieilles maisons de pêcheurs affichent des prix qui oscillent entre 8000 et 10.000 euro/m2. Avec une terrasse en toiture typiquement tropézienne et vue sur le port, les prix peuvent atteindre facilement 20.000 euro/m2 avec le confort moderne. Problème, la circulation qui génère du bruit 24h/24. Trouver un parking est indispensable mais relève du miracle !
Le Port : avec une vue imprenable sur le golfe, les prix peuvent atteindre facilement 20.000 euro/m2. Qui ne connait pas le Port de Saint-Tropez avec ses yachts, ses boutiques de luxe et ses restaurants ! Toujours fascinant !
La Place des Lices : c’est le carré d’or du cœur de Saint-Tropez, un micro- marché très convoité où Eddy Barclay, Johnny Hallyday, Carlos et sa bande de copains se livraient à des parties de pétanque mémorables devant des badauds émerveillés de voir autant de stars. La notoriété de la Place des Lices et de la Place de la Garonne qui la prolonge avec ses boutiques de luxes et ses célèbres restaurants a fait grimper les prix des villas aux alentours qui se négocient aujourd’hui entre 9000 euros et 17.000 euros/m2 prix du foncier inclus en fonction de la vue et de la surface de la parcelle.
Le quartier de la Ponche : c’est l’ancien port des pêcheurs très prisé, les prix sont élevés de l’ordre en moyenne de 24.000 euros à 28.000 euros/m2 avec un accès direct à la plage si vous avez de la chance, c’est le must du must.
Les Parcs de Saint-Tropez : les prix des propriétés affichés se situent entre 4M et 15M d’euros pour les propriétés de 250m2 à 400m2 voir plus pour des biens d’exception en fonction surtout de la notoriété du voisin ! C’est le coin des milliardaires difficile à approcher et qu’il ne faut pas déranger inutilement ! Curieux s’abstenir !
Les plages de Saint-Tropez
Le secteur des plages : C’est un tout autre marché, avec ses 12 km de littoral qui s’étend de la Bouillabaisse à l’entrée de Saint-Tropez, en passant par les plages de la Ponche, les Graniers, les Canoubiers, la Moutte, les Salins, le Capon puis jusqu’au Pinet .
La crise des années 2000 passée par là a laissé des traces, avec un marché redevenu un peu plus raisonnable bien que les prix globalement restent encore élevés.
Les prix restent malgré tout disparates pas toujours cohérents et se situent aujourd’hui dans une fourchette large comprise entre 10.000 euros et 18.000 euros/m2 voir plus, avec une vue mer et un style contemporain de belle facture signé d’un architecte renommé. Même dans ce secteur ultra résidentiel, les prix ont chuté de 20% en moyenne au cours des 5 dernières années. Idem du côté des plages de Pampelonne (Commune de Ramatuelle) juste à côté.
Pour exemple, la propriété pieds dans l’eau avec accès direct à la plage qui se vendait relativement vite avant la crise, reste un produit difficile à vendre autour de 27.000 euros/m2. Mais les amateurs peu nombreux ne sont plus au rendez- vous. Résultat, ce produit reste longtemps sur le marché avant de trouver preneur, mais pas au prix annoncé !
Dans ce secteur des plages, le prix du foncier au m2 est resté stable depuis 5 ans .Il se négocie aujourd’hui autour de 700 euros à 1000 euros/m2 .Mais du terrain à bâtir reste très rare.
Le secteur des résidences/appartements : est un parc immobilier assez dense plutôt vieillot des années 70-80 proche du centre-ville, où les prix oscillent entre 6000 euros et 8000 euros/m2 avec parking, restent encore attractifs à ce prix-là. On arrive à trouver du produit rénové entre 10.000 euros et 15.000 euro/m2 avec vue mer.
Le marché de la propriété ultra luxueuse : C’est un secteur disséminé qui reste très fermé. Mais avec un euro qui baisse par rapport au dollar, la clientèle américaine semble revenir doucement sur le marché du luxe à Saint-Tropez, de quoi redonner des couleurs à cette niche très spécifique.
Le marché dans le neuf : quoi de neuf ?
Trouver du foncier pour des opérations de promotion relève du parcours du combattant compte tenu des contraintes d’urbanisme, et des règles imposées par les Bâtiments de France très présents sur la commune en raison du nombre important de monuments historiques.
Les acheteurs n’hésitent plus à raser pour reconstruire au goût du jour en oubliant parfois les règles d’urbanisme strictes sur la commune. Fini le style provençal désuet place au style contemporain qui n’a plus rien de tropézien.
Les promoteurs sont en manque d’espaces fonciers .Conséquence, peu de programmes en vue, bien que la demande existe pour de l’habitat urbain et péri-urbain avec parking, pour une clientèle à haut pouvoir d’achat prête à payer le prix, même si les prestations ne suivent pas toujours.
Actuellement une réalisation de Kaufman and Broad est en cours de livraison à deux pas de la Place des Lices. Les prix s’affichent à partir de 10.900 euro/m2, la cave à 8000 euros, le parking à 49.000 euros.
Le groupe Marignan réalise également un programme proche de la Place des Lices avec une livraison prévue début 2018 .Prix à partir de 11.400 euro/m2.
Ce sont les deux seuls programmes disponibles mais idéalement situés au cœur du village.
Mais le point noir pour Saint-Tropez reste son accès routier toujours saturé plus de 6 mois par an. Les communes environnantes avec les pouvoirs publics tentent de résoudre ce problème depuis des années mais sans résultat probant.
C’est toute la région du golfe qui en pâtit et qui pénalise locaux et visiteurs désireux de se rendre à St-Trop !!
Je dirais que le marché immobilier tropézien est globalement ouvert et stabilisé, mais les prix restent élevés dans l’ensemble, pas à la portée de tout le monde. Malgré le retour timide de la clientèle française, les étrangers demeurent les principaux investisseurs mais négocient beaucoup, car en position de force sur un secteur où l’offre est abondante et la concurrence rude vu le nombre d’agences immobilières.
En ce qui concerne le marché du luxe très fermé, seuls quelques acheteurs sont capables de mettre le prix, encore faut-il les trouver…parfois très loin !
Difficile donc pour l’acquéreur potentiel de s’y retrouver, car déterminer le juste prix n’est pas simple surtout quand les vendeurs surestiment leurs biens et que les agences ont du mal à maîtriser.
En conclusion : l’avis d’un expert immobilier chevronné connaissant parfaitement le marché tropézien et son fonctionnement se révèle être vivement conseillé… voire indispensable .
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Auteur : René MIFSUD
Expert en évaluation immobilière-viager immobilier
Installé dans le golfe de Saint-Tropez depuis 1985
Port : +33(0)6 08 07 32 80
email : rene.mifsud@gmail.com