Le 24 juillet 2017
par René MIFSUD
Expert en évaluation immobilière/viager immobilier.
Membre du conseil d’administration de la Compagnie des experts CETAN EUROPE.
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Etude établie à la demande de la Compagnie des experts CETAN EUROPE dans le cadre de la formation de ses membres à l’expertise immobilière, et pour être insérée sur le site de la compagnie dans un objectif d’information.
Partie 1 : L’EVALUATION IMMOBILIERE
Etude de l’évolution des méthodes techniques
Partie 2 : LE VIAGER : UN CONTRAT D’AVENIR
Présentation et analyse
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L’ÉVALUATION IMMOBILIÈRE
étude de l’évolution des méthodes techniques
Partie 1
SOMMAIRE
1-Préambule
2-La terminologie la plus courante :
- Valeur vénale
- Valeur locative de marché
- Valeur d’assurances
- Valeur hypothécaire
- Valeur d’apport
3-Les méthodes de base :
- La méthode par comparaison directe (ou méthodes par le marché)
- La méthode par le revenu
- La méthode par le coût de remplacement
- La méthode dite « professionnelle »
- La méthode dite du « bilan-promoteur »
- La méthode indiciaire
4-Les outils modernes d’évaluation :
- Le data et le numérique
- Les plateformes d’évaluation en ligne
5-Le travail d’analyse de l’expert
6-Conclusion
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1-Préambule :
L’expert, homme de l’art, doit respecter les grands principes de la méthodologie de l’évaluation, tels que définis dans la Charte de l’expertise en évaluation immobilière(CEEI). Le texte élaboré en 1990 à l’initiative de l’IFEI (Institut Français de l’Expertise Immobilière) a été revu en 1993 puis a fait l’objet d’une nouvelle rédaction en 1996.
Le texte s’inscrit dans le cadre des efforts d’harmonisation souhaités par l’Union Européenne, et est compatible avec les prescriptions administratives, réglementaires et législatives déjà en vigueur dans notre pays.
Cette charte élaborée il y a 20 ans sert de fondement à une meilleure transparence dans la technique d’évaluation immobilière des experts. C’est également une source d’information indispensable aux organisations professionnelles.
L’expert a donc à sa disposition un certain nombre d’outils d’évaluation qu’il est libre d’utiliser en fonction du travail qui lui est demandé.
2-La terminologie la plus courante :
- La valeur vénale :
La valeur vénale correspond au prix auquel un bien ou un droit immobilier pourrait être cédé au moment de l’expertise par un vendeur désireux de vendre, dans les conditions normales du jeu de l’offre et de la demande. Cela suppose l’autonomie de décision des parties, la réalisation de la transaction dans un délai raisonnable, et la mise en œuvre de diligences adaptées pour la présentation du bien sur le marché.
Cette définition exclut les opérations conclues à des conditions particulières pour des raisons de convenance, comme les opérations dans lesquelles une contrepartie a un lien direct ou indirect avec le vendeur ou l’acheteur (cession bail, concessions..).
La valeur vénale est déterminée en fonction de l’affectation juridique et de l’usage du bien au moment de l’évaluation, tout en prenant en considération l’état réel d’entretien de l’immeuble et l’estimation des dépenses de gros entretien ou grosses réparations à engager à court ou moyen terme.
Cette valeur doit être exprimée en valeur nette vendeur (commissions, droits et frais éventuels déduits), correspondant généralement au prix qui figure dans l’acte de vente.
La valeur vénale d’une propriété bâtie peut également mentionner séparément la valeur respective du terrain et de la construction.
Dans l’hypothèse où la valeur vénale déterminée sur la base de ces principes différerait sensiblement de la valeur vénale du même bien dans une utilisation alternative (cas d’un immeuble susceptible de faire l’objet d’une opération de promotion, d’un nouveau développement ou d’une modification de son usage), l’expert devra fournir une indication sur la valeur qui pourrait découler de cette perspective, en précisant les motifs ayant conduit à utiliser cette seconde approche.
- Valeur locative de marché :
La valeur locative de marché correspond à la contrepartie financière annuelle des biens expertisés
-Soit dans des conditions de marché du jour de l’expertise, pour usage du bien dans le cadre d’un nouveau bail par exemple.
-Soit dans des conditions d’exploitation normale et correspondants à l’affectation actuelle du bien
-Sur le choix des méthodes d’évaluation de la valeur vénale :
Si le marché local est de faible activité, il est recommandé à l’expert d’utiliser au moins deux méthodes d’estimation “ par comparaison ”, et “ par le revenu ».
- Valeur d’assurances :
-La valeur à neuf (calculée à l’identique ou à l’équivalent).
-La valeur à neuf vétusté déduite (valeur à neuf à laquelle a été appliqué un coefficient de vétusté tenant compte de l’âge du bien et de son état d’entretien).
- Valeur hypothécaire :
La valeur hypothécaire correspond à une valorisation qui doit être appréciée de façon conservatrice dans le but de céder à terme l’immeuble. Elle repose sur une notion de revenus stabilisés dans le temps .Surtout utilisée dans les pays anglo-saxons.
- Valeur d’apport :
La valeur d’apport est la valeur qui est retenue lorsque des actifs sont apportés à une entreprise notamment à l’occasion de sa création ou lors d’une opération de fusion.
3-Les méthodes de base :
- La méthode par comparaison directe (ou méthodes par le marché) :
C’est la plus courante et a la faveur de l’administration. Elle consiste à comparer le bien faisant l’objet de l’expertise, à des transactions effectuées sur des biens équivalents en nature et en localisation, à une date la plus proche possible de la date d’expertise.
- La méthode par le revenu :
Souvent utilisée en complément de la méthode par comparaison .Elle consiste à capitaliser ou actualiser un revenu annuel, qu’il s’agisse d’un loyer constaté ou d’une valeur locative, d’un revenu brut ou d’un revenu net, pour parvenir à une valeur vénale.
- La méthode par le coût de remplacement :
Elle consiste à reconstituer le prix de revient du bien, en déduisant le cas échéant une dépréciation ou taux de vétusté.
Cette méthode est peu utilisée en matière de valeur de marché. Elle est plus fréquemment utilisée pour des biens immobiliers très spécialisés ou pour définir des valeurs d’utilité ou d’exploitation.
- La méthode dite « professionnelle » :
Elle s’applique à des catégories de biens immobiliers spécifiques ou de type monovalent (cliniques, hôpitaux, hôtels, cinémas, théâtres…) lorsque leur affectation est maintenue. Cette méthode est en fait dérivée des méthodes par le revenu ou par comparaison.
- La méthode dite du « bilan-promoteur »:
Parfois appelée méthode de récupération foncière ou du compte à rebours opérateur. Cette méthode consiste à déterminer la valeur d’un terrain, d’une charge foncière ou d’un immeuble à reconstruire, à rénover ou à réhabiliter, en partant du prix de vente final d’une opération de promotion, de réhabilitation ou d’aménagement, et en déduisant le coût des travaux et les différents frais liés à l’opération. Cette méthode de calcul est généralement réservée à des experts maitrisant parfaitement la technique du bilan-promoteur, voire en collaboration avec des experts économistes de la construction.
Mais cette méthode a été revue, depuis l’application de la loi SRU du 13 décembre 2000 qui a profondément remanié le code de l’urbanisme en transformant notamment le plan d’occupation des sols (POS) en plan local d’urbanisme (PLU). En effet, le nouveau dispositif modifie les habitudes en matière de calcul, car le foncier devient un élément majeur du coût de la production immobilière, en particulier pour déterminer la valeur du droit à bâtir.
- La méthode indiciaire :
À partir d’une valeur antérieure, elle applique un indice ou un coefficient de variation. Cette méthode est rarement employée et formellement déconseillée en matière de valeur vénale.
4-Les outils modernes d’évaluation :
Bien que le stockage des données soit strictement encadré en France, la révolution numérique est en marche. L’arrivée des nouvelles technologies de référencement en ligne bousculent le paysage immobilier en particulier dans l’utilisation des méthodes techniques d’évaluation.
- Le data et le numérique:
Les enjeux du big-data dans le secteur de l’immobilier sont énormes. Dans ce domaine, les données ne manquent pas. Entre l’évolution des prix, le nombre de constructions, le nombre de transactions, le nombre de recherches d’un bien immobilier, l’urbanisme, etc., la quantité est impressionnante.
Pour faire simple, c’est un outil qui récupère et analyse un nombre considérable de données sur les biens vendus, pour une période déterminée dans un secteur défini grâce à une cartographie et des algorithmes pointus. Les données numérisées sont principalement issues des fichiers des notaires, compilées et stockées. Puis elles sont ensuite référencées en ligne par les moteurs de recherche. Ces informations constituent aujourd’hui et plus que jamais un enjeu de taille pour les professionnels du secteur.
Pour l’expert, ce système facilite grandement l’accès à ces recherches en termes de gain de temps et d’efficacité.
- Les plateformes d’évaluation en ligne :
Les plateformes d’évaluation en ligne connaissent un essor fulgurant. De nombreuses Start-up se lancent sur ce créneau d’avenir de plus en plus utilisé par les particuliers et les professionnels.
Mais ces fichiers soulèvent la question de la fiabilité des données enregistrées qui ne sont pas datées en temps réel.
Le plus connu, le logiciel PATRIM, accessible depuis les espaces personnels des contribuables sur impots.gouv.fr, met à disposition les prix de vente des logements comparables à un bien donné dans un espace géographique et une durée limités.
Le système PERVAL, recense depuis 1990 les transactions immobilières enregistrées par les notaires. La Loi n°2011-331 du 28 mars 2011, complétée par le décret d’application n° 2013-803 du 3 septembre 2013, a officialisé la base de données PERVAL et instauré une nouvelle mission de service public pour les notaires.
Inconvénient, ces fichiers se heurtent à des problèmes d’approximation de valeurs .En effet, sont inscrits seulement les critères d’évaluations quantitatifs (surface, type de bien, année de construction), sans tenir compte des critères qualitatifs (état du bien, équipement, balcon, nuisances environnantes, ensoleillement, vis-à-vis, existence de servitudes éventuelles, qualité de l’environnement, etc.) autant de paramètres non répertoriés, et pourtant très importants.
D’autres plateformes innovent en compilant de nouveaux types d’informations comme CITYSCAN, qui utilise 70 indicateurs prenant en compte les points forts et les points faibles d’une adresse (pollution de l’air, les écoles à proximité, les nuisances sonores, l’accès au numérique, etc.) pour déterminer la valeur d’un bien.
Mais ces systèmes de données collectées ne peuvent être estampillés du « label : prix exact certifié ». Elles donnent une indication de tendance de prix, rien de plus pour celui qui cherche à évaluer son bien.
Mais ce n’est qu’un début. Dans un futur proche on peut imaginer que la technologie « BLOCKCHAIN », qui constitue un registre des transactions numériques sûr et infalsifiable, pourrait entrainer une révolution juridique capable de remettre en cause les paramètres d’évaluation en matière de location, et de vente d’un bien immobilier.
Quoi qu’il en soit, le marché de l’immobilier en France présente toutes les caractéristiques pour voir émerger d’autres innovations majeures, avec l’utilisation d’algorithmes toujours plus puissants qui vont totalement transformer la façon de travailler des professionnels en proposant des solutions d’évaluation de plus en plus sophistiquées.
5- Le travail d’analyse de l’expert
Si dans les textes de la CEEI, les méthodes classiques sont clairement définies, leur utilisation évolue depuis 1996.
Face à ce constat, l’évolution du marché actuel oblige l’homme de l’art encore plus qu’avant, à actualiser ses connaissances techniques et professionnelles. En outre, la conjoncture économique, fait qu’aujourd’hui les prix au m2 ne sont qu’indicatifs. De nos jours les codes de valeur changent, c’est l’acheteur qui décide du prix qu’il veut mettre en fonction de la qualité du bien et de son environnement, ce qui est totalement nouveau en termes d’approche.
Malgré tout, l’expert reste un observateur avisé certes, mais souvent contesté. Il doit donc s’adapter et se faire respecter, et c’est pour lui un défi constant.
Grâce au numérique, le technicien est en mesure d’analyser plus rapidement la réaction du marché à court terme et se tenir informé de la tendance des prix en permanence. Mais le contexte est tel, qu’il est difficile de se projeter au-delà d’une période de 5 ans en termes d’évolution de marché. Auparavant, on parlait de décennie pour un cycle immobilier, ce n’est plus le cas aujourd’hui.
L’évaluation immobilière n’est pas une science exacte, mais un acte de lecture du marché à un instant donné .Pour preuve, le jeu de l’offre et la demande est le premier paramètre à prendre en compte, afin de coller au plus juste à la réalité en procédant à une analyse approfondie de la situation dans lequel se situe le bien à évaluer.
Le marché de l’immobilier est devenu complexe dans un contexte d’abondance de biens immobiliers où les spécificités locales définissent les règles:
A titre d’exemple, tout le monde s’accorde à dire que le marché immobilier de la Côte d’Azur est un marché atypique comparé au marché immobilier des Hautes- Alpes !
Mais à l’intérieur même de ce marché, existent des secteurs qui se distinguent par des écarts de prix au m2 qui peuvent varier du simple au triple voire plus, sans raison apparente hormis parfois par simple effet de mode bien souvent éphémère.
Aucun texte ne peut règlementer ces phénomènes, seul un expert indépendant immergé dans le milieu local peut avoir une analyse plus fine.
Il semble évident qu’un appartement situé en front de mer d’un port touristique, n’aura pas la même valeur qu’un même appartement situé à une rue derrière sans vue !
Et pourtant on serait tenté de dire que les valeurs sont proches. Dans la réalité, c’est tout autre.
Difficile dans ces conditions de déterminer le juste prix au moment « T », sachant que tout évolue très vite. Seul l’expert, homme de terrain, est à même de quantifier la prise en compte de ses éléments.
Mais avant toute analyse, l’expert doit respecter les fondamentaux de son métier : réunir les pièces techniques et administratives indispensables à l’étude de son dossier immobilier.
Une fois ces documents rassemblés, le technicien peut déjà à ce stade relever des anomalies, des non-conformités, des manquements qui lui seront utiles pour la suite des opérations. Il va pouvoir ensuite commencer son travail d’évaluation, en prenant en compte les données techniques, économiques, juridiques, fiscales et urbanistiques du bien à estimer.
Il va devoir ensuite choisir la méthode de base qui lui paraît la plus pertinente et utiliser les outils de référencement à sa disposition.
On le voit bien, l’évaluation n’est pas aussi simple qu’on le croit malgré l’aide des big-data.
6-Conclusion :
Les nouveaux moyens d’accès à internet, l’utilisation des nouvelles plateformes de référencement comparatif en ligne, bien qu’utiles, peuvent brouiller la vision objective en matière d’évaluation que seul l’expert aguerri est capable de fournir au magistrat qui le missionne et aux parties en présence.
Alors faut-il laisser de côté l’utilisation de ces plateformes ?Non, car la consultation de ces fichiers donne une idée globale de la tendance du marché. Certes, une partie au procès pourra se contenter de recourir au fichier comparatif en ligne pour justifier sa demande qu’un prix est sous-estimé à son détriment. L’autre partie pourra également utiliser un autre fichier qui lui est plus favorable.
Le magistrat aura donc besoin de l’appui d’un technicien, maitrisant parfaitement à la fois les méthodes d’évaluation de base et les outils numériques, pour déterminer au plus juste la valeur du bien objet du litige. Sachant que le prix estimé est rarement le prix enregistré acte en main. Toute la difficulté pour l’expert est d’être le plus proche possible de ce prix « acte en main ».
Pour cela, il doit posséder une expérience pratique de plus en plus poussée dans son domaine, parfaire sa formation professionnelle, et maitriser parfaitement les méthodes de calcul dont il dispose pour les adapter aux nouvelles donnes.
En outre, l’expert aura tout intérêt pour une plus grande efficacité, à constituer sa propre base de données en fonction de ses connaissances, et utiliser tous les moyens mis à sa disposition.
Pour finir je dirais : malgré la tendance à recourir de plus en plus au numérique, le rôle « physique » de l’expert homme de terrain reste incontournable.
En effet, seul un travail méticuleux de collecte d’informations, lui permettra de vérifier la cohérence des chiffres retenus pour un bien dans un marché local défini.
Enfin, une utilisation combinée des méthodes de base et des technologies nouvelles du numérique ne peut que cautionner la qualité du travail de l’expert évaluateur, que le magistrat et le justiciable sont en droit d’attendre de l’homme de l’art.
LE VIAGER : UN CONTRAT D’AVENIR
présentation et analyse
Partie 2
SOMMAIRE
1-L’origine du viager
2-Définition
3-La terminologie courante
4-Les formules :
- Viager libre
- Viager occupé
- Viager à terme
- Viager financier
- Viager hypothécaire
5-Les méthodes de calcul :
5-1 Le principe
- Par le taux de rendement
- Par pourcentage de la valeur vénale
- Par le loyer similaire
6-La fiscalité des rentes viagères :
- L’imposition des rentes viagères
- Les rentes viagères et la CSG
- Fiscalité de rachat du capital rente
- Obligation de déclaration de l’acquéreur-débirentier
7-Le marché actuel et son évolution
8-Conclusion
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1-L’origine du viager:
Le concept du viager trouve son origine depuis la Grèce antique .Mais ce sont les Romains qui ont créé le système de rentes viagères. Sur les ruines de l’Empire romain se constituèrent un grand nombre d’états nouveaux ayant des rois à leur tête.
Ces rois distribuèrent généreusement à leurs proches, à titre viager les terres qu’ils avaient conquises. En échange, ceux-ci leurs devaient le service militaire. Puis cette pratique disparût pendant plusieurs siècles et réapparut au Moyen Age.
A cette époque, l’institution des « précaires » permettaient la transmission d’un fonds de terre ou d’une somme d’argent à une église ou à un monastère moyennant une jouissance viagère sous forme d’usufruit ou de rente
Le terme viager signifie « temps de vie » en vieux français.
Les grandes dates qui ont suivi :
846 : Charles II introduit le viager dans le droit du Royaume, qu’il légifère et organise dans des formes «moderne».
1657 : Première table de mortalité réalisée par Christian Huygens. Premier calcul arbitraire de rentes viagères effectué par Jean Witt.
1661 : Edit royal limitant la vente en viager aux biens entre particuliers.
1662 : Traité de Montmartre. Charles IV de Lorraine vend son duché à Louis XIV contre une rente viagère de 200 000 écus.
1787 : Création de la Compagnie Royale d’Assurance.
1804 : Entrée en application du Code Civil légiférant le viager (articles 1968 à 1983).
1815 : L’Impératrice Marie Louise, épouse de Napoléon devient suite au Congrès de Vienne, Duchesse de Parme à titre viager.
1841 : Le Sultan Adrian Souli de Mayotte vend en viager l’Ile de Mayotte contre une rente de 1000 piastres.
2-Définition
La vente en viager est un contrat de vente immobilière au terme duquel le vendeur souvent âgé, vend son bien contre un bouquet (un capital) plus une rente à vie et conserve le droit de vivre dans les lieux jusqu’à sa mort.
Le bien devient la propriété de l’acheteur dès la signature de l’acte mais s’il y a un droit d’occupation pour le vendeur, l’acheteur devra attendre son décès pour jouir à son tour du bien.
En cas de non-paiement de la rente, la vente est annulée de plein droit. Le crédirentier retrouve la pleine propriété de son bien et conserve les rentes versées.
3-La terminologie courante :
L’acheteur (appelé débirentier) s’acquitte de sa dette envers le vendeur (le crédirentier) au moyen d’échéances (mensuelles, trimestrielles ou annuelles). L’acheteur verse la rente au vendeur jusqu’au décès de celui-ci. . Elle est généralement indexée.
Le risque, juridiquement appelé « aléa » est obligatoire dans ce type de contrat. Le juge annule la vente en viager dans laquelle l’aléa n’existe pas. Par exemple, si le vendeur est malade au jour de la vente et qu’il décède dans les 20 jours qui suivent la signature de l’acte.
Le bouquet, est une somme que verse le débirentier au crédirentier sur le prix déterminé.
4-Les formules:
■ Le viager libre :
Plutôt rare mais recherché par les acquéreurs, il peut servir d’habitation principale ou secondaire pour les uns comme d’investissement locatif pour les autres. L’intérêt de cette formule particulière de viager est qu’il permet de se passer du financement d’une banque et de frais induits.
■Le viager occupé:
C’est la majorité des transactions du viager. Dans ce type de viager, le crédirentier a le droit d’usage et d’habitation ou droit d’usufruit du bien dans lequel il vit. Ce droit lui est personnel, c’est-à-dire qu’il ne peut ni le céder ni le prêter. Le crédirentier est considéré comme un locataire. Le débirentier est nu-propriétaire des biens vendus dès que l’acte authentique a été signé chez le notaire et qu’il honore les versements de la rente.
■Le viager à terme :
Il s’agit de la vente d’un bien immobilier dont l’acquéreur fera un paiement comptant et des mensualités sur une durée déterminée à l’acte authentique, sous réserve éventuelle d’une réserve de droit d’usage et d’habitation (DUH) ou droit d’usufruit par le vendeur.
■Le viager financier:
Dans cette formule, le souscripteur du viager financier va céder à une compagnie d’assurance un capital financier. En contrepartie, la compagnie d’assurance va verser au souscripteur une rente viagère jusqu’à son décès.
Le viager financier reprend donc les mêmes principes que le viager « traditionnel » mais substitue un capital financier au traditionnel bien immobilier.
■Le viager hypothécaire :
Le prêt viager hypothécaire (différent de la vente en viager et de l’hypothèque classique) permet de toucher une somme d’argent pour financer un projet personnel. Au décès de l’emprunteur, l’organisme financier se rembourse en revendant un bien immobilier mis en garantie. Mais il est possible de faire un remboursement anticipé.
5-Les méthodes de calcul:
5-1 Le principe :
La valorisation du bien constitue l’élément essentiel à prendre en compte. Elle a donc toute son importance et peut être vérifiée en comparaison de biens équivalents ou d’un prix de référence au m² dans le secteur déterminé.
Une estimation de l’espérance de vie du vendeur est réalisée à l’aide de l’utilisation des tables de mortalité établies par les opérateurs d’assurances. La table de 2007 est d’autant plus fiable qu’elle fait apparaitre la différenciation par sexe.
Enfin si le bien est occupé, un abattement d’occupation ou décote sera appliqué à un taux forfaitaire en fonction de l’âge du vendeur.
■Par le taux de rendement :
Exemple : valeur vénale 200.000 € x 3% de rendement annuel x Espérance de vie présumée du crédirentier (par exemple 10 ans) soit 60.000 €.
La difficulté est de définir avec le maximum de précision le taux de rendement.
■Par pourcentage de la valeur vénale :
Certains barèmes à lecture directe donnent la valeur d’occupation en %
Par exemple : pour un crédirentier ayant 10 ans d’espérance de vie présumée la valeur d’occupation est de 30 %, soit : valeur vénale 200.000 € x 30 % = 60.000 €
■Par le loyer similaire :
Exemple : Pour un crédirentier ayant 10 ans d’espérance de vie et qui pourrait payer pour l’appartement qu’il occupe 700 € de loyer hors charge par mois, la valeur d’occupation serait de 700 x 12 mois x 10 ans = 84.000 €
Cette méthode est réaliste. Car déterminer la valeur locative d’un bien dans un secteur donné est relativement aisé.
Remarque : Par souci d’équilibre et de cohérence dans les chiffres obtenus, je préconise d’établir une moyenne de deux méthodes, voire des trois méthodes.
6- La fiscalité des rentes viagères :
L’article 1968 du Code Civil stipule que : « la rente viagère peut être constituée moyennant une somme d’argent ou pour une chose appréciable ou pour un immeuble ». Le versement de la rente viagère est interrompu par le décès du crédirentier.
■ L’imposition des rentes viagères :
Les rentes viagères constituées à titre onéreux (art. 1968 du CC) sont considérées comme des revenus. A ce titre, elles sont imposables après abattement.
L’abattement ou taux de décote est appliqué de façon définitive en fonction de l’âge du vendeur-crédirentier.
Le fait générateur est celui de la date du premier encaissement par le vendeur le plus âgé.
Lorsque les rentes viagères sont constituées sur deux têtes et qu’elles sont réversibles en totalité ou partiellement au dernier d’entre eux. L’administration fiscale prendra en compte l’âge du premier bénéficiaire pour pratiquer l’abattement.
La valeur totale des rentes perçues dans l’année, sans décote, est à déclarer à l’administration fiscale qui calculera la fraction imposable. Après abattement, la somme restante est intégrée à l’assiette des revenus.
■Les rentes viagères et la CSG.
La somme restante après abattement soumise à l’impôt est soumise aux prélèvements sociaux CSG, CRDS, pour un taux global de 15,5 %.
■Fiscalité de rachat du capital rente :
L’acquéreur peut, si le vendeur-crédirentier est d’accord, racheter le capital constitué par les rentes viagères à venir.
Le capital rente perçu par le crédirentier en compensation des rentes viagères qu’il aurait pu percevoir ne peut être apprécié comme le montant cumulé des rentes viagères si le contrat n’avait pu être résilié. En conséquence, le capital rente perçu est totalement exonéré d’impôt sur le revenu et de taxes sociales.
Les juges ont pris en compte le caractère aléatoire du contrat viager d’une part et d’autre part que le rachat du capital rente ne peut être comparable à une cession de contrat à un tiers et de ce fait, le rachat du capital rente ne peut être taxable.
■Obligation de déclaration de l’acquéreur-débirentier.
L’acquéreur-débirentier est tenu de déclarer le montant des rentes viagères versées au cours de l’année à l’administration fiscale sous peine d’amende.
Il doit tenir un registre spécial ou un livre de paie qui permet d’identifier le bénéficiaire et de comptabiliser le montant des rentes versées.
L’acquéreur-débirentier ne peut déduire le montant des rentes versées des revenus fonciers.
Concernant le capital rente et l’ISF : l’acquéreur devra déclarer à l’actif le montant de son acquisition (prix quittancé dans l’acte authentique).
Le capital rente est considéré comme une dette. A ce titre, si l’acquéreur est assujetti à l’ISF, il déclarera au passif ledit capital. Il déduira ce montant lors de sa déclaration ISF.
Ce montant variera à la baisse chaque année. Ainsi, l’acquéreur pourrait, pendant une certaine période, ne plus être assujetti à l’ISF.
7- Le marché actuel et son évolution :
Le concept du viager immobilier bien que très ancien est en pleine évolution.
-Environ 8.000 ventes en viager ont été signées en France en 2015 (Chambre des notaires de France), soit à peine 1% du nombre de transactions immobilières enregistrées. 80% de ces ventes concernent des ventes en viager occupé. Et ce chiffre va croitre de façon exponentielle au cours des prochaines années selon les analyses du conseil économique, social et environnemental (CESE).
En effet, l’allongement de l’espérance de vie, la dégradation du pouvoir d’achat des retraités, le financement de la dépendance, la part importante de l’immobilier au cœur du patrimoine des séniors sont des facteurs favorables au développement de ce secteur pour les prochaines décennies.
Les régions les plus concernées étant les régions Ile-de-France et PACA , où sont concentrés le plus grand nombre de séniors propriétaires.
8-Conclusion:
Le viager longtemps considéré comme tabou dans notre société, est aujourd’hui un produit d’investissement qui se démocratise et qui peut s’avérer très intéressant.
Pour le vendeur qui peut continuer à vivre à son domicile tout en percevant une rente indexée et sécurisée, et maintenir ainsi un niveau de vie acceptable.
Pour l’acquéreur qui peut devenir propriétaire du bien à un coût nettement inférieur, en évitant de recourir à un prêt bancaire.
Pour les parties contractantes, l’avantage fiscal est indéniable.
Vu le contexte économique et sociétal, nul doute que le viager est un contrat d’avenir !
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